CHAPITRE 10
Qu’est-ce que les Jawas ont et qui manque à toutes les autres créatures de la galaxie ? Des bébés Jawas !
Jacen Solo, quatorze ans
Ben se souvenait d’une période où sa cellule était dans le noir. C’était ainsi qu’il savait qu’il était lucide. La plupart du temps, il lui semblait que le panneau lumineux au plafond avait toujours été allumé, qu’il avait passé toute sa vie menotté à son lit de duracier et que le seul état mental qu’il avait jamais connu était ce délire enfumé, si cauchemardesque qu’il ne savait pas vraiment s’il était endormi ou éveillé. Il se rappelait des rêves troublés dans lesquels un droïde noir brillant venait lui rendre visite, une grande unité mince qui ressemblait à un modèle réduit de droïde de combat CYV, avec des photorécepteurs bleus incrustés dans un visage squelettique. Le droïde, qui s’était présenté sous le nom de Double-X, était très curieux et posait sans cesse des questions sur ceux qui avaient envoyé Ben, ceux avec qui il se trouvait et l’endroit d’où il venait.
Double-X avait beaucoup posé cette dernière question. Cela l’intéressait plus que tout, parce qu’il cherchait désespérément à découvrir l’emplacement de la base secrète Jedi. Et Ben était certain de n’avoir jamais répondu – pas même par un mensonge – car le droïde se plaignait sans cesse de l’obstination de Ben, lui répétant qu’il se faisait du mal tout seul.
Mais, en réalité, c’était Double-X qui le faisait souffrir. Le droïde avait tout un assortiment d’aiguilles, de sondes et d’électrodes cachées dans les doigts. Chaque fois que Ben refusait de répondre, il en ouvrait un puis lui enfonçait dans le bras, la cuisse ou le torse l’outil que se trouvait à l’intérieur avant de lui reposer la question, répétant inlassablement le processus avec la patience infinie d’une machine.
Mais Ben n’avait aucune idée de la façon dont ces séances s’achevaient. Il imaginait qu’il devait simplement atteindre les limites de sa tolérance physique et perdait connaissance. Cela ne l’aurait pourtant pas surpris d’apprendre que Double-X finissait par vider ses batteries en reposant la même question sans arrêt.
Mais il était certain de n’avoir jamais révélé l’emplacement de la base Jedi. Jacen lui avait appris à résister aux interrogatoires en plaçant un blocage de Force dans son propre esprit et c’était la première chose qu’il avait faite lorsqu’il s’était réveillé dans une cellule de la GAG. La suite de sa captivité était floue, mais il se rappelait avoir fait ça.
La porte s’ouvrit en glissant, laissant entrer une bouffée d’air assez chaud pour rappeler à Ben le froid qui régnait dans sa cellule, surtout lorsqu’on était menotté à un lit en sous-vêtements. Il fit exprès de ne pas lever la tête et de ne pas se tourner pour regarder ; les droïdes interrogateurs étaient programmés pour saisir la portée de tels gestes insignifiants et il ne voulait pas trahir l’espoir que le fait d’être éveillé avait fait naître en lui.
Mais il n’entendit aucun servomoteur entre les bruits de pas qui approchaient de sa couchette et l’odeur qui pénétra dans ses narines était trop agréable et féminine pour appartenir à un droïde. Brusquement conscient d’être quasiment nu, Ben se tourna pour regarder.
— Bonjour Ben, dit Tahiri.
La combinaison noire typique de la GAG qu’elle portait semblait différente sur elle. Elle la moulait aux bons endroits et un éclat satiné soulignait la souplesse de son corps. Elle sortait probablement d’une séance d’entraînement – ou en tout cas d’un endroit bien plus chaud que la cellule de Ben – car le col en était ouvert jusqu’à son plexus solaire.
— Comment vas-tu ? ronronna-t-elle.
Ben leva rapidement le regard et s’aperçut qu’elle semblait en bien meilleure santé que lorsqu’elle l’avait capturé. Ses cheveux blonds, denses et soyeux, retombaient sur son front de façon à cacher presque entièrement ses trois cicatrices puis finissaient sur ses épaules en ondulant. Ses joues étaient colorées, ses lèvres charnues et rouges. Même ses yeux, qui semblaient auparavant si enfoncés et fatigués, donnaient l’impression d’être plus grands et plus animés.
Comme Ben ne répondait pas, Tahiri lui adressa un demi-sourire entendu.
— Désolée, j’avais oublié que tu ne nous dis rien. Elle s’approcha de sa couchette et Ben vit qu’elle portait une boîte de baume Bacta dans une main et une télécommande dans l’autre.
— C’est quelque chose que j’admire, dit-elle en posant le Bacta sur le bord du lit et en montrant la télécommande. Il faut que je te libère un bras et une jambe pour pouvoir te rouler sur un côté. Tu ne vas pas m’obliger à me servir de ça, n’est-ce pas ?
Ben examina la télécommande et déduisit qu’il s’agissait probablement d’un interrupteur déclenchant les circuits paralysants de ses menottes.
— Je crois que ça dépend de ce que tu vas me faire.
— Il parle, dit Tahiri en souriant, avant d’appuyer sur deux boutons qui ouvrirent les verrous sur son poignet et sa cheville gauche. Ne t’en fais pas, ça ne te déplaira pas. (Elle lui donna une chiquenaude.) Sur le côté.
Ben roula et réprima un cri de douleur quand les escarres de son dos se détachèrent du sanidrap de la couchette. Le lit se tassa lorsque Tahiri s’assit au bord et ouvrit la boîte de baume Bacta. Il s’aperçut alors que son odeur possédait une note musquée, une trace agréable qu’il trouva quelque peu enivrante, mais qu’il ne se souvenait pas avoir déjà perçue sur elle. Un instant plus tard, il sentit le bout des doigts de la femme sur son épaule et des vagues de soulagement se mirent à irradier de l’endroit où elle le touchait.
— Tu vois ? dit Tahiri. Ce n’est pas si mal.
— Sauf que c’est toi qui es à l’origine de ces douleurs, dit Ben. (Il ne devait pas oublier qu’elle n’était pas vraiment gentille.) Depuis combien de temps je suis ici ?
Tahiri passa à une autre escarre et dit :
— Je répondrai à ta question quand tu auras répondu à la mienne.
Ben soupira.
— Bien tenté. Tu peux au moins me dire si le capitaine Shevu va bien ?
— L’offre n’a pas changé, répondit doucement Tahiri. Mais je suis désolée pour ces escarres. Elles ne font pas partie du programme. Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre des risques avec les grands et forts Chevaliers Jedi. (Elle fit courir une main sur les épaules nues et les biceps de Ben, et l’y laissa.) Je suis sûre que tu comprends.
— Sans doute.
Mais Ben ne comprenait pas pourquoi sa main malaxait désormais les muscles de son bras. Il n’avait pas d’escarre à cet endroit-là – en tout cas, il n’en sentait pas – mais n’avait pourtant aucune envie qu’elle s’arrête.
— Tu te trompes, tu sais, dit-il.
Tahiri cessa de le masser et ses doigts allèrent jusqu’à une escarre située presque au milieu de son dos.
— Ha bon ?
— Tu ne peux pas faire confiance à Jacen, dit-il. Il finira par se détourner de toi, comme il l’a fait avec mes parents et moi.
Tahiri devint un peu moins délicate.
— Il s’appelle Caedus maintenant, dit-elle. Dark Caedus. Et qui te dit que je lui fais confiance ?
— Alors que fais-tu avec lui ? demanda Ben. Ne me dis pas que tu crois qu’il a raison ?
— Ce que je crois importe peu, répondit Tahiri. Nous faisons tous des choix dans nos vies, Ben. Tu aurais dû rester sur le tien. Tu ne serais pas dans une telle situation et cette guerre serait peut-être finie.
Sa main descendit dans le dos de Ben et se mit à masser une escarre sous la ceinture de son caleçon. Il trouva son contact à cet endroit un peu déconcertant, mais ne l’arrêta pas. Il fallait bien soigner ces blessures après tout.
Ben tenta de se concentrer sur leur conversation, d’aider Tahiri à comprendre l’erreur qu’elle faisait.
— Rester avec l’homme qui a tué ma mère ? Tu as respiré des vapeurs de refroidissement ?
— C’est ta mère qui a attaqué Caedus en premier, fit remarquer Tahiri. Elle l’a menacé dans le vestibule du Sénat.
— Parce que c’est un Sith, répondit Ben. Parce qu’il collaborait avec Lumiya.
— Que ton père a tué de sang-froid, répondit Tahiri. Je comprends la loyauté familiale, Ben, je l’admire même. Mais tu dois comprendre que les Sith ne sont pas forcément les criminels dans ce cas. N’est-ce pas ce que font les Jedi ? Examiner les faits de façon objective ?
— Mon père a fait une erreur, protesta Ben. Tu transformes les faits.
— Vraiment ? dit Tahiri. Alors pourquoi ne m’éclaires-tu pas, Ben ? J’écoute.
— D’accord, dit-il.
Elle semblait sincère, mais il percevait un piège, et il savait qu’il n’allait pas la persuader en opposant simplement le bien au mal. Pour autant qu’il puisse en juger, dans cette guerre, personne ne pouvait prétendre être un parangon de vertu.
— Écoute, reprit-il, tout ce que tu veux, tout ce que tu crois que Jacen peut te donner, tu ne l’obtiendras pas.
— Tu es sûr ? demanda Tahiri. (Sa main resta sous la ceinture du caleçon de Ben, mais se mit à remonter vers sa hanche.) Qu’est-ce que je veux, Ben ?
Il commençait vraiment à avoir du mal à se concentrer.
— Heu, Tahiri ?
La main de la femme arriva au niveau de sa hanche et ses doits se mirent à dériver autour.
— Oui ?
— Tu n’essayerais pas de me séduire, par hasard ?
— Ben, quelle chose affreuse. (Sa main resta sous la ceinture de son caleçon.) Tu n’as que quatorze ans. Tu n’es encore qu’un enfant. (Elle leva le doigt et souleva la ceinture.) N’est-ce pas ?
— Je suis un Chevalier Jedi, répliqua Ben. (Il tourna la hanche en tentant de la soustraire à la main de la femme, mais sans succès.) Et je n’ai pas d’escarre à cet endroit-là.
— C’est vrai, dit Tahiri en traçant un cercle sur sa peau avec un doigt. D’accord, disons que j’essaye de te séduire. Tu dois avouer que c’est bien plus agréable que de te torturer pour, heu, apprendre les coordonnées de la base Jedi.
— Ouais, je dois avouer que je suis d’accord.
— Alors ? dit Tahiri en faisant glisser une main sur sa hanche. Qu’en dis-tu ? Ça pourrait marcher ?
Ben ferma les yeux. Il voulait vraiment dire oui, et pas simplement pour les raisons les plus évidentes. Il en avait vraiment, vraiment assez d’être torturé et il savait très bien que toutes les drogues que Double-X lui injectait lui abîmaient le cerveau. Il y avait des risques que, tôt ou tard, le droïde se trompe dans un dosage, enfonce une aiguille un peu trop profondément ou ne remarque pas la mare de sueur dans laquelle il baignait avant de brancher les électrochocs, et il mourrait.
Et l’éventualité qu’il ne meure pas – et reste à pourrir sur sa couchette jusqu’à ce que son corps ne soit plus qu’une gigantesque escarre – était encore pire. Confronté à ces choix, qui n’aurait pas souhaité dire oui à une séduisante femme plus âgée ? Qui aurait pu résister en sachant que ce serait probablement la seule chance qu’il n’aurait jamais de pouvoir dire oui ?
Il y avait juste un petit problème : Tahiri était une Sith. Accepter reviendrait à se trahir lui-même, à embrasser la destinée que Jacen avait tenté de lui imposer.
Et Ben ne le ferait pas. Jamais. Il ouvrit les yeux et regarda Tahiri par-dessus son épaule.
— Tu es trop gentille pour être une Sith, dit-il. Ils adorent torturer.
Tahiri poussa un soupir.
— J’apprends, Ben, dit-elle en saisissant la ceinture de son caleçon et en la tirant aussi loin que possible. Souviens-toi seulement que j’ai essayé. Tout ce qui arrivera ensuite sera de ta faute.
Tahiri lâcha l’élastique qui alla tout droit frapper une escarre sur le dos de Ben. La douleur lui fit ouvrir la bouche, mais il ne cria pas ; il ne lui donnerait pas ça non plus. Il résista aussi à la tentation de se retourner brusquement vers elle. Malgré ce qu’elle avait voulu lui faire croire, il savait qu’elle n’était pas venue seule ; elle ne lui aurait pas laissé la moindre chance de s’échapper. Il resta donc face au mur, dans l’attente d’une piqûre, d’un choc électrique ou du coup sur la tête qui le renverrait dans l’oubli.
Mais les verrous sur les deux autres menottes de Ben s’ouvrirent et une salopette verte lui tomba dessus.
— Mets ça, ordonna Tahiri. J’en ai assez de voir ces escarres dégoûtantes.
Ben roula et vit, devant les portes de sa cellule, une paire de soldats en armure noire de la GAG qui portaient tous deux des visières recouvrant entièrement leur visage et pointaient des fusils paralysants anti-émeutes sur lui. Tahiri, désormais debout, se trouvait toujours à ses côtés, son uniforme fermé jusqu’au cou et un sabre laser à la main.
— Vous savez que ça ne marchera pas, hein ? demande Ben en passant une jambe dans la salopette verte. Si votre droïde de torture n’a pas réussi à me faire craquer, vous ne risquez pas d’y arriver.
Les deux gardes se regardèrent puis l’un d’entre eux dit :
— Lieutenant, la GAG n’utilise pas de droïdes de torture. (Ben reconnut la voix du caporal Wyrlan, qui l’accompagnait lors du raid au cours duquel il avait tué son premier homme.) Vous le savez.
Ben fronça les sourcils. Il sentait à travers la Force que Wyrlan avait l’impression de dire la vérité, mais ses souvenirs de Double-X étaient trop cohérents – et trop détaillés – pour être des hallucinations.
— Le traître est un prisonnier, pas un lieutenant, dit Tahiri en faisant bien attention de ne pas quitter Ben des yeux. Et les gardes ne discutent pas d’hallucinations, ni d’autre chose, avec les prisonniers, et surtout pas avec les prisonniers Jedi. C’est compris ?
Wyrlan se redressa.
— Oui, Madame. Désolé, Madame.
— Je n’ai pas besoin de vos excuses, dit Tahiri. Je vous le dis pour votre propre bien. Le prisonnier est issu d’une famille d’assassins. Si vous vous relâchez près de lui, il vous tuera.
— Je comprends, Madame, répondit Wyrlan. Merci.
— Je vous en prie, caporal, dit Tahiri avec un sourire. Le Seigneur Caedus ne peut se permettre de perdre de bons éléments comme vous. La GAG en possède trop peu.
Tahiri attendit que Ben finisse d’enfiler sa salopette de prisonnier d’un vert fluorescent puis demanda à Wyrlan de lui mettre des fers électriques aux pieds et des menottes paralysantes. Après avoir testé sa télécommande en faisant tomber Ben à genoux grâce à un puissant choc électrique, elle lui fit enfin passer la porte.
Dehors, il se retrouva sur une passerelle grillagée flanquée de longues rangées de cellules faiblement éclairées et aux murs de transparacier sans teint. À l’intérieur de chaque cage, un Bothan – rasé et dépourvu de toute fourrure – était assis ou allongé sur une couchette de duracier et regardait le sol, le plafond ou le mur avec une expression vide de tout espoir. Il manquait des parties du corps à la plupart des prisonniers – essentiellement des yeux, des oreilles et des membres – et les cicatrices de certains, encore fraîches, témoignaient de combats récents.
— Les assassins bothans, expliqua Tahiri. Ils ne cessent d’arriver, parfois une dizaine par jour. Dark Caedus a dû ouvrir une aile entière rien que pour eux.
— Tu veux dire qu’il ne les exécute pas ? demanda Ben, surpris.
— Ho, il les tuera, dit Tahiri. Mais il ne veut rien faire qui pourrait déconcentrer l’amiral Bwua’tu en ce moment. Lorsque nous aurons gagné la guerre, ils auront droit à un procès équitable devant le Tribunal Spécial des Crimes de Guerre bothan. Puis ils seront tous condamnés à mort.
Ben regarda autour de lui, stupéfait par l’immensité de la prison. Elle faisait au moins deux cents mètres de long, avec une cellule tous les deux mètres. Et lorsqu’il regardait à travers la passerelle grillagée au-dessus et en dessous, il voyait au moins neuf autres niveaux.
— Il doit y avoir un millier d’unités, dit Ben.
Tahiri acquiesça.
— Encore plus. Et Caedus a déjà ordonné qu’on prépare une autre aile. Mais assez perdu de temps. Nous devons nous occuper de nos propres désagréments.
Elle lui prit le bras – plus pour le retenir que pour le guider – et emprunta la passerelle en direction du carré blanc et brillant de la cabine de sécurité. Malgré la pâle lueur qui sortait des cellules, la prison était un endroit silencieux et lugubre. Tout était recouvert d’un synthalex gris qui absorbait les bruits et les seules lumières sur la passerelle provenaient des bandes lumineuses qui s’allumaient et s’éteignaient au-dessus sur leur passage.
Ben n’envisagea même pas d’essayer de s’échapper... pas encore. Il lui restait à découvrir ce qui était arrivé à Lon Shevu et Tahiri semblait l’emmener dans une zone moins sécurisée. Il lui paraissait plus censé d’attendre et d’en apprendre autant que possible sur sa situation. Ils étaient probablement dans les profondeurs du Centre de Justice Galactique de Coruscant, mais dans une partie des installations qu’il n’avait jamais visitée ; une partie qu’il devait bien avouer n’avoir jamais imaginé exister.
Ils arrivèrent au poste de contrôle au bout de la prison. Puis ils traversèrent une suite de sas et de salles de scan avant d’entrer dans un tunnel aux carreaux blancs qui sentait tellement le désinfectant que les yeux de Ben commencèrent à se troubler. Une dizaine d’assassins bothans étaient attachés magnétiquement à des lits planants et étaient scannés à la recherche de preuves. On leur faisait des prélèvements, on les rasait complètement et on leur implantait une puce de localisation qui pouvait exploser s’ils cherchaient à s’échapper. Tout ceci sous les yeux scrutateurs d’une dizaine de droïdes de combat CYV supervisés par autant de gardes de la GAG lourdement armés.
Lorsque Tahiri remarqua que le regard de Ben s’attardait sur le droïde MD au poste d’implantation, elle tourna la télécommande vers ses yeux pour l’empêcher sans doute de voir où la puce était insérée. Quasiment tous les Jedi pouvaient localiser et mettre hors service une telle puce avec un peu de Force et de méditation, mais savoir où chercher rendait la méditation inutile.
— Oui, tu en as une toi aussi, dit Tahiri. Alors n’envisage même pas de t’échapper.
— Merci de l’avertissement, dit Ben en secouant les chaînes qui pendaient de ses menottes. Je commençais justement à y penser.
— Très drôle, dit Tahiri en appuyant sur un bouton de la télécommande qui envoya une décharge électrique dans la cheville de Ben et le fit tomber à genoux. Ha ha.
Il jeta un coup d’œil entre les cuisses de Tahiri et vit le MD qui retirait une piqûre de sous l’omoplate du Bothan.
— Je préférais quand tu essayais d’obtenir les coordonnées en me séduisant, dit-il.
— Oui, dommage que ça n’ait pas marché, dit Tahiri. Maintenant, il va falloir le faire à la façon du Seigneur Caedus.
Elle le tira pour qu’il se relève. Ils passèrent un autre poste de contrôle à l’autre bout du tunnel puis entrèrent dans un long couloir. D’un côté, il y avait un poste de contrôle similaire à peu près tous les quinze mètres ; de l’autre se trouvait un panneau de transçaracier qui partait de la taille pour arriver au plafond. À travers ce mur de visualisation, Ben vit que le couloir était en fait un balcon. Il surplombait une zone de réception remplie de voies de sécurité spéciales où des gardes faisaient descendre des prisonniers de vaisseaux de transport sécurisés de la GAG et les classaient par groupes pour la suite du processus d’arrivée. Chaque voie possédait ses propres portes anti-explosions en duracier qui ouvraient sur un garage de triage clos. En résumé, Ben avait très peu de chances de s’échapper par là.
En arrivant au bout du couloir, il commença à sentir de nombreux êtres devant lui, des êtres qui souffraient. On l’emmenait forcément dans une aile destinée à la torture. Sa bouche devint sèche et il se mit à penser qu’après tout, la zone d’arrivée n’était peut-être pas un endroit si mauvais pour tenter de s’échapper ; mais il ne savait toujours pas ce qui était arrivé à Shevu.
Puis il eut une pensée horrible. Il fouilla la Force et sentit la présence de son ami, à moins de cinquante mètres dans la prison. Bien entendu, c’était peut-être exactement ce que Tahiri voulait qu’il fasse afin de pouvoir utiliser Shevu comme moyen de pression contre Ben. Peu importait. À présent, il devait y entrer.
Lorsqu’ils traversèrent le poste de contrôle suivant, Ben commença à s’apercevoir que quelque chose ne correspondait pas à l’image qu’il s’était représentée. La sécurité était plus relâchée que dans l’aile bothane et il sentait dans la Force que les gardes étaient trop détendus pour une zone de haute sécurité. Les salles de scan mesuraient également trois mètres sur trois, comme si on s’en servait pour transférer des cargaisons ou de grosses charges.
Lorsque le dernier sas s’ouvrit, l’odeur singulière d’un mélange de stérilisant et de blessures infectées emplit l’atmosphère et Ben comprit. Il avait senti cette association particulière trop souvent déjà, dans trop d’infirmeries, après trop de combats. Il se tourna vers Tahiri, la colère remontant dans sa gorge.
— Depuis combien de temps est-il ici ? demanda-t-il. Ses blessures n’étaient pas si graves.
— Il y a eu des complications, dit Tahiri.
Elle s’approcha de la chambre dans laquelle Shevu était allongé et resta près des portes pour ne pas interrompre le mouvement incessant des droïdes qui apportaient des médicaments, des provisions et des patients par le corridor.
— Mais il a de bonnes chances de survie, reprit Tahiri. Tout dépend de toi en fait.
— De moi ?
— Bien sûr. (Ils atteignirent la porte et Tahiri se tourna vers lui.) Je suis désolée ; as-tu l’impression que je t’ai emmené ici parce que je suis trop gentille pour être Sith ?
Ben aurait aimé la projeter avec la Force contre le mur le plus proche, mais il était quasiment certain qu’elle l’aurait bloqué et que les deux gardes l’auraient ensuite assommé. Il dit alors :
— Tu es en apprentissage.
Tahiri sourit et posa le doigt sur un clavier de sécurité collé au mur. Les portes glissèrent pour s’ouvrir et dévoilèrent une petite salle contenant quatre unités. Trois lits étaient vides et leurs panneaux de sécurité baissés formaient une bande transparente autour de leur partie inférieure. Le quatrième était complètement fermé et un homme au visage terreux, Lon Shevu, à peine reconnaissable, dormait dessus, à moitié nu. Les brûlures de blaster sur son torse étaient presque guéries, mais ses bras et ses doigts étaient parsemés de bleus récents, de cercles roussis et d’autres signes de tortures.
Ben était tellement stupéfait qu’il s’arrêta au milieu de la chambre et dit :
— C’était inutile de faire ça. Shevu ne sait rien de nos opérations.
Tahiri haussa les épaules, puis elle ferma et verrouilla la porte derrière eux.
— Il faut toujours être méthodique. Il y a des traîtres partout. (Elle se dirigea vers le droïde MD qui se tenait près du lit de Shevu puis s’arrêta et se retourna vers Ben.) Évidemment, tu le sais mieux que personne.
Ben détourna le regard de Shevu.
— Nous finissons tous par trahir, Tahiri. Ce qui compte, c’est ce à quoi on reste fidèle.
Le pouce de la jeune femme commença à glisser vers le bouton de décharge de la télécommande, puis elle fronça les sourcils et s’arrêta comme si elle venait d’entendre la voix de Caedus dans sa tête lui dire de rester maîtresse de ses émotions. Elle se retourna sans dire un mot et s’approcha du médidroïde qui surveillait les signes vitaux de Shevu.
— Comment va le prisonnier ? demanda-t-elle.
— Prisonnier Neuf-Zéro-Trois-Deux-B-T se remet selon les prévisions, annonça le droïde. Il devrait être prêt à reprendre l’interrogatoire demain matin si ses électrolytes se sont stabilisés.
— Je crains que nous ne devions accélérer, dit Tahiri en regardant Ben. Certains développements récents nécessitent que nous prenions une approche plus agressive.
— Je ne peux pas l’autoriser, dit le droïde. Avec un tel déséquilibre de ces électrolytes, un stress physique important de ce genre pourrait entraîner un infarctus du myocarde.
— Tu veux dire que son cœur pourrait lâcher ? dit Tahiri en se tournant vers le Jedi. Qu’en dis-tu, Ben ? Devons-nous risquer un infarctus du myocarde ?
— Cela ne servirait à rien.
Ben scruta la pièce à la recherche de quelque chose dont il pourrait se servir pour mettre hors de combat Tahiri avant qu’elle poursuive, mais des objets susceptibles d’être jetés sur un garde n’étaient guère fréquents dans les infirmeries des prisons. Il ne trouva qu’un grand panneau pivotant sur lequel était inscrit RECYCLAGE DES DÉCHETS ORGANIQUES qu’il devrait tout de même arracher à ses gonds avant de lancer.
— Je ne te dirais pas où se trouve la base, ajouta Ben.
Tahiri poussa un soupir.
— J’avais peur que tu dises ça, annonça-t-elle en jetant un coup d’œil aux gardes derrière lui, tandis qu’une sensation de danger fit fourmiller le dos de Ben. On dirait que nous allons devoir le faire à la manière for...
Ben s’était déjà retourné pour se défendre et il n’entendit jamais la fin du mot. Son corps se transforma en une unique et énorme crampe lorsque les deux gardes tirèrent avec leurs fusils paralysants et que Tahiri enclencha ses menottes électriques. Il se sentit tomber dans un feu électrique blanc.
Lorsque Ben cessa enfin de chuter, il se retrouva enchaîné à un lourd siège flottant, un de ceux qu’il avait vu les droïdes utiliser pour transporter des invalides dans le couloir. Shevu était allongé à ses côtés, toujours attaché sur son lit, mais le panneau de sécurité était désormais abaissé. Le médidroïde se trouvait à un coin du lit et ne regardait plus le moniteur de Shevu. Il avait dû être relevé de sa responsabilité consistant à veiller au bien-être du prisonnier.
— Bien, dit Tahiri. Maintenant que nous sommes tous ici et éveillés, peut-être que tu aimerais dire bonjour à ton espion, Ben ?
Shevu ouvrit les yeux et tourna la tête vers le centre de la salle.
— Ben ?
— Je suis là, capitaine, dit le Jedi. Je suis désolé, je ne pensais pas qu’ils vous surveilleraient. Quelqu’un a dû...
— C’est inutile, Ben. Nous sommes des soldats. (La souffrance et la désorientation rendaient son regard fixe, mais il y avait aussi une part de pardon et peut-être de fierté dans ses yeux.) Vous ne leur avez rien dit, n’est-ce pas ?
Ben secoua la tête.
— Rien du tout.
Les lèvres craquelées de Shevu s’ouvrirent sur un sourire.
— Bien joué.
Ben jeta un coup d’œil à Tahiri. Son visage prit une expression de dégoût et le cadre du lit émit un grand bruit métallique lorsque son bras heurta le bout de ses entraves.
— Continuez comme ça, reprit-il. Peu importe ce que cette petite...
— Ça suffit. (Tahiri fit un geste du doigt et la bouche de Shevu se ferma si fort que ses dents claquèrent. Elle lui donna une petite tape sur la joue puis se tourna vers Ben.) Je vais t’expliquer comment on va fonctionner, Jedi Skywalker.
— Ça ne va pas fonctionner, répliqua Ben. Je ne vais pas trahir l’Ordre tout entier pour sauver un seul homme.
— Ha bon ? (Tahiri secoua la tête, tendit un bras vers le lit de Shevu puis posa un pouce sur l’un de ses yeux.) J’espère vraiment que tu n’es pas sérieux.
Elle commença à appuyer et la bouche de Shevu s’ouvrit pour laisser échapper un cri involontaire. Les battements de son cœur accélérèrent et plusieurs lignes qui défilaient sur le moniteur au-dessus de son lit se mirent à osciller de manière frénétique et erratique. Un gros nœud se forma dans la gorge de Ben et il tenta, avec l’aide de la Force, d’écarter la main de Tahiri.
Elle le combattit et relâcha en même temps un bouton sur la télécommande. Quatre décharges de douleur liquide se déversèrent dans les membres de Ben et se rencontrèrent, brûlantes, au niveau de sa poitrine. Sa concentration tomba en poussière.
Les bras et les jambes de Shevu se mirent à trembler sous ses sangles, puis Tahiri dit :
— Il n’y a qu’un seul moyen d’arrêter ça, Ben. Qu’es-tu prêt à faire endurer à ton ami ?
— Beaucoup moins que ce que je vais te faire endurer, répondit-il.
Tahiri parut vraiment blessée.
— Désolée d’entendre ça.
Ben avait l’estomac si noué qu’il crut qu’il allait vomir. Il savait qu’il ne pouvait pas donner à Tahiri ce qu’elle voulait, malgré tout ce qu’elle pourrait faire à Shevu. Mais comment pouvait-il la laisser continuer ? Elle n’allait pas seulement lui faire mal ; elle allait le rendre aveugle.
Puis Ben l’entendit et s’aperçut que Shevu ne se contentait pas de crier, mais qu’il hurlait un unique mot : siiiileeeence !
Ben serra la mâchoire puis étendit sa conscience dans la Force. Cette fois, cependant, il ne contacta pas Tahiri, mais Shevu, puis lui envoya de l’énergie calmante et projeta dans son esprit de douces suggestions pour qu’il sombre dans l’inconscience. Lorsque les cris de l’espion devinrent un peu moins désespérés, Tahiri retira sa main et fit les gros yeux au médidroïde.
— Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle. Tu m’as dit qu’il était complètement éveillé.
Le droïde examina les signes vitaux de Shevu qui oscillaient plus furieusement que jamais, puis il répondit :
— Le prisonnier est aussi conscient que les stimulants médicaux le permettent. Il s’est simplement habitué à la douleur que vous lui infligez. C’est la seule hypothèse raisonnable.
— Pas la seule, dit Tahiri en regardant Ben.
Le Jedi secoua la tête.
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Tu mens, Ben. (Tahiri leva une main et de petites fourches d’éclairs de Force se mirent à danser au bout de ses doigts.) Je ne crois pas que ta mère aurait approuvé.
Avant que Ben puisse répondre, elle approcha sa main d’une des brûlures de blaster à moitié guéries sur le torse de Shevu. Une demi-douzaine d’alarmes différentes se mirent à sonner et à carillonner sur le moniteur, puis tous les traits devinrent plats.
Le médidroïde inclina la tête et examina les signes vitaux un instant avant d’annoncer :
— Le prisonnier Neuf-Zéro-Trois-Deux-B-T est mort.
Tahiri s’éloigna du lit, aussi choquée et consternée que Ben.
— Fais quelque chose ! ordonna-t-elle au médidroïde. Réanime-le.
Le droïde obéit et s’approcha du lit avant de sortir, de son doigt, une longue aiguille qu’il enfonça dans le cœur de Shevu. Comme les traits du moniteur ne bougeaient pas du tout, le droïde accrocha un masque respiratoire sur le visage de Shevu puis entama de ses deux mains robotiques le travail mécanique consistant à faire circuler l’air et le sang.
Mais Ben savait déjà que les efforts du droïde allaient échouer. Tahiri ne pourrait se servir d’un homme mort pour faire parler quiconque et Ben connaissait assez bien son ami pour comprendre que Shevu aurait préféré mourir plutôt qu’aider Dark Caedus à garder le pouvoir. Alors, lorsque Tahiri avait poussé les choses un peu loin, Shevu avait simplement lâché prise.
— Arrête, dit Ben qui ne supportait plus de voir Shevu malmené. Tu ne le ramèneras pas. Tu ne fais que t’acharner sur son corps.
Tahiri lui lança un regard mauvais.
— Tu arrives à dire ça de là où tu te trouves, Ben ?
Le médidroïde cessa de travailler.
— Le prisonnier a raison, dit-il. L’imagerie magnétique confirme que le prisonnier Neuf-Zéro-Trois-Deux-B-T a subi une rupture de l’aorte.
Tahiri resta bouche bée et l’horreur refroidit son aura de Force. Ben comprit alors qu’elle n’aimait pas ce qu’elle devenait et qu’elle servait Caedus pour les mêmes raisons qui avaient poussé Ben à le faire si longtemps : parce qu’elle était troublée, honteuse et désespérée. Elle ne pouvait se résoudre à voir quel monstre Caedus était devenu parce que cela lui montrerait le monstre qu’elle était en train de devenir elle aussi.
Mais cela ne changeait plus rien pour Shevu. Et cela ne changerait rien non plus pour sa femme, Shula, qu’il avait épousée à peine deux mois plus tôt et aussitôt renvoyée chez elle sur Vaklin parce qu’il savait qu’une telle chose allait se produire.
— Tu devrais être fière, Tahiri. Tu es désormais exactement comme ton Maître. (Ben ne disait pas cela parce qu’il était en colère, mais parce que c’était vrai, et parce que s’il parvenait à montrer à Tahiri à quel point c’était vrai, elle pourrait alors peut-être reprendre ses esprits.) Jacen a torturé Ailyn Vel jusqu’à la mort comme tu viens de le faire à Shevu. J’imagine que tu es une Sith.
À la grande surprise de Ben, Tahiri ne se précipita pas sur lui. Elle ne sembla même pas le voir. Elle recula à peine, les yeux fixés sur les pieds du médidroïde, et secoua lentement la tête.
— Tu te trompes. Je ne l’ai pas tué.
— Le prisonnier était déjà affaibli, dit le médidroïde en évitant soigneusement la question. (Il appuya sur le clavier de sécurité situé sur le flanc du lit de Shevu et les sangles s’ouvrirent.) Si vous n’avez pas besoin du corps, je vais l’envoyer au recyclage.
— Au recyclage ?
Ben ne savait pas à quoi il devait s’attendre, mais penser que son ami puisse être vendu à des vendeurs de biomembres lui retournait l’estomac et l’emplissait d’une sensation atroce et vaine, mélange de colère et de culpabilité.
— Tu ne peux pas..., reprit-il.
— Je ne peux pas quoi ? dit Tahiri en se précipitant sur lui tandis que le médidroïde soulevait Shevu de son lit. C’est de ta faute, Ben. Il te suffisait de répondre à une question simple.
Elle abaissa une rangée de boutons sur la télécommande et le corps de Ben tout entier se tendit sous l’effet d’une douleur électrique.
— Où est la base Jedi ? (Elle s’approcha et leva le bras pour le frapper du revers.) Réponds-moi.
Ben regarda Shevu que l’on emmenait vers la glissière de recyclage et il secoua la tête.
— Désolé.
Tahiri abaissa la main contre le visage de Ben et le frappa si fort que le choc secoua le siège flottant : une erreur de sa part. Ben se pencha pour renverser le fauteuil sur un côté. Simultanément, il projeta Shevu avec la Force vers les deux gardes troublés qui se trouvaient dans son dos.
Quand le trio s’écrasa contre un des lits vides derrière lui, Ben appuyait déjà sur des touches de la télécommande de Tahiri avec la Force. Les entraves de sa jambe s’ouvrirent aussitôt, mais il s’envoya une décharge dans les bras avant d’atteindre le bon bouton et de déverrouiller les menottes paralysantes.
Ben tomba de sa chaise en roulant et se retourna pour découvrir que ses ravisseurs se remettaient. Tahiri s’emparait déjà de son sabre laser et un garde s’apprêtait à tirer avec son fusil paralysant. Le Jedi en poussa le canon avec la Force et le dirigea vers Tahiri juste au moment où un éclair blanc d’électricité en sortit.
Tahiri poussa un cri étranglé, puis ses yeux roulèrent vers l’arrière et elle tomba par terre en tremblant et en convulsant. Ben fit venir le sabre laser de sa ravisseuse dans sa main et l’activa juste à temps pour repousser un tir du second garde sur le médidroïde qui tenait le cadavre de Shevu devant la glissière de recyclage, attendant visiblement que les gardes reprennent le contrôle du prisonnier avant de continuer.
Le tir toucha l’unité de traitement primaire du droïde et il tomba contre le mur puis par terre, le corps mou de Shevu dans les bras. Ben se servit de la Force pour retirer le fusil de la main du premier garde tout en sautant sur le deuxième. Il dévia un autre tir puis abaissa le sabre laser sur le canon de l’arme avant de remonter la lame à un centimètre du menton du soldat.
— Je préférerais ne pas avoir à vous tuer tous les deux, dit Ben. Mais c’est à toi de choisir et je n’ai pas le temps de te laisser décider.
— Ne pas me t-t-t-tuer ira très bien, l-l-lieutenant, répondit Wyrlan avant de tourner le casque vers l’autre garde. Pas vrai, Garsi ?
— Ça me va, dit Garsi en levant les bras. Merci de nous laisser choisir.
— Ne me le faites pas regretter, les prévint Ben. (Il leva les yeux vers les coins de la chambre et remarqua que les lumières des quatre caméras de sécurité étaient éteintes.) Pourquoi ces moniteurs ne sont-ils pas allumés ?
Wyrlan et Garsi se regardèrent puis Garsi dit :
— Vous avez vu ce qui se passait ici. Aimeriez-vous que quelqu’un vole un holo de ces scènes pour les passer au HNE ?
Ben y réfléchit et il se rappela que Tahiri avait verrouillé la porte derrière eux. Il comprit alors qu’il y avait de fortes chances pour que la sécurité centrale ne sache pas qu’il venait de s’évader.
— Je comprends, dit-il avant de montrer la glissière de recyclage. Un être vivant pourrait survivre en passant là-dedans ?
— Bien sûr, dit Wyrlan. Ce n’est qu’une piste de répulseurs qui emmène les cadavres sur les quais de ramassage.
— Mais il y a des protections de sécurité, prévint Garsi. Ce ne serait pas très malin d’essayer de partir ainsi.
— Et je ne vais pas le faire, dit Ben en montrant Tahiri. Passez-lui les menottes et balancez-la dans la glissière.
Les deux soldats obéirent puis Wyrlan désigna le corps de Shevu.
— Et lui ?
— Il part avec moi, dit Ben. Enlevez vos armures.
IL Y A TRES LONGTEMPS...
Jaina Solo et son frère errent dans les couloirs sombres sous l’Académie Jedi sur Yavin 4, sans sortir des passages souterrains qui sentent le moisi et où personne ne s’aventure jamais. Ils ont quatorze ans et marchent car leur amie Tenel Ka vient de perdre un bras dans un accident de sabre laser et ils doivent faire quelque chose, même si c’est simplement marcher. Ils souffrent et regrettent qu’il ne s’agisse pas de la même douleur que celle de leur amie. Peut-être que s’ils pouvaient la partager avec elle, elle ne paraîtrait pas si affreuse. Peut-être qu’ils auraient l’impression que les choses n’ont pas changé tant que ça.
Mais Jaina sait que ça n’est pas vrai, parce qu’oncle Luke a promis d’appeler lorsque Tenel Ka serait prête à voir ses amis et cela fait des heures qu’ils marchent. Et ils n’ont toujours pas reçu d’appel. Ils ne peuvent que marcher, seuls tous les deux, en essayant de ne pas être submergés par le choc et le désespoir. Et Jaina sent, par le lien qui l’unit à son jumeau, que Jacen ressent d’autres émotions plus douloureuses. Il est empli de honte et de dégoût envers lui-même parce que c’est son sabre laser qui a coupé le bras de Tenel Ka, parce qu’il tenait tant à faire ses preuves face à elle qu’il n’avait pas remarqué que sa lame était pleine de parasites et, une demi-seconde plus tard, le bras de Tenel Ka était par terre.
Jacen a donc lui aussi perdu quelque chose. Et tout ce que Jaina peut faire est de marcher avec lui et de lui laisser voir par leur lien de jumeau comment elle le considère : comme un jeune Jedi bon et réfléchi qui ne ferait jamais de mal à un ami de manière délibérée, un frère courageux et plein de ressources qu’elle n’aurait échangé contre quiconque.